
Difficile de parler de vin naturel sans évoquer une thématique plus que tendancieuse, les sulfites. Inutile de rappeler que le soufre est un élément indispensable, pour ne pas dire essentiel à la vie sur terre. Que ce soit à la vigne ou au chai, le soufre est utilisé depuis les Romains qui en connaissaient déjà les vertus. Pour le vin, le dioxyde de soufre (SO2) peut être utilisé durant la vinification afin d’éliminer les microorganismes qui ne participent pas à la fermentation, mais aussi à l’embouteillage afin d’améliorer la conservation. Les sulfites se forment lorsque l’on met en contact une quantité de dioxyde de soufre avec le vin. La qualité et l'origine du soufre est importante, il peut être volcanique, la poudre jaune, ou issu de l'industrie pétrochimique.
Depuis le siècle dernier, les procédés industriels se sont généralisés, la chimie est de plus en plus présente dans les processus de transformation alimentaire. Les sulfites ont des propriétés antioxydantes et antibactériennes, c’est pourquoi ils sont utilisés comme conservateur et sont présents dans de nombreux produits alimentaires. Les composés de la gamme E220 (de E220 à E228) appartiennent tous à la famille des sulfites. Tous les vins embouteillés depuis le 8 décembre 2023 doivent indiquer sur l'étiquette la liste des ingrédients employés ainsi qu'un tableau nutritionnel, ou un QRCode qui renvoie vers une page web avec ces informations.
Les sulfites sont accusés de donner mal à la tête, sachant que les pesticides et les fongicides utilisés sur la vigne participeraient aussi à la gueule de bois. Pire encore, certaines personnes développent une intolérance aux sulfites, comme pour le gluten avec les blés sélectionnés.
Dans les années 60, quelques vignerons illuminés Français se sont mis en tête d’élever des vins sans aucun additif, à commencer par le plus difficile à écarter, le soufre. Les plus connus sont certainement Jules Chauvet dans le Beaujolais et Pierre Auvernoi dans le Jura, la liste est trop longue pour tous les citer. Une communauté à la recherche de vins sains, vivants, purs. Je connais ici à la Marina Alta quelques vignerons qui produisent des vins naturels mais qui ajoutent toute de même des sulfites pour des raisons personnelles, peut-être pour se rassurer. Un vin vivant peut traverser les années sans problème, les amphores romaines en témoignent, pour peu qu'il soit gardé dans de bonnes conditions, si possible en dessous de 25°C pour éviter une refermentation.
Tous les vins comportent des sulfites, naturellement en infimes quantités, inférieur à 10 mg par litre, ou ajoutés dans des valeurs définies pour chaque catégorie de vins, industriels, écologiques ou naturels. Pour les vins dits conventionnels, on compte entre 150 et 200 mg par litre, jusqu’à 400 mg pour les vins liquoreux. La certification écologique autorise entre 100 et 150 milligrammes par litre et entre 70 et 80 mg pour un vin certifié Demeter issu de l’agriculture biodynamique. Un vin est considéré comme naturel si il contient moins de 20 mg de sulfites au litre. Notez les ordres de grandeur ! L'association française Vin Méthode Nature dispose de deux certifications, une pour les vins sans aucun sulfites ajoutés et une autre pour les vins qui en disposent de moins de 30 mg au litre. Ceci étant dit, qui peut le plus, plus ou moins, on peut trouver des vins sur le marché avec une certification écologique qui ne comporte aucun sulfites ajoutés. Il existe également des vins avec des analyses de laboratoires à 0 mg. On parle alors de vin double zéro, rien à la vigne, rien à la vinification. Plus facile à dire qu'à faire.
Dans les années 80, l’alpiniste français Patrick Edlinger a été l’un des pionniers de l’escalade libre, il a fortement contribué à diffuser et à populariser cette pratique sportive extrême. Jamais il n’a revendiqué une quelconque supériorité à n’utiliser aucun équipement lors de ses progression, il y trouvait simplement son équilibre intérieur et une forme de pureté. C'était un sportif admiré par tous les pratiquants de l’escalade. Partout dans le monde, des vignerons ont décidé de suivre le mouvement du vin naturel et n’utilisent plus aucun intrant dans leurs cuvées. Une démarche radicale autant que respectable.